Grande Cavalcade de la Mi-Carême
à Granville, le 24 mars 1867
au bénéfice des pauvres par des jeunes gens de la ville
Bibliothèque Nationale de France - Gallica
imprimerie Noël Got, éditeur du « Journal de Granville »
Les lessivières du Cours-Jonville - La Granvillaise et le Cocodès - Ça finit toujours par là.
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Granvillais et lessivière,
Deux raisons pour jacasser !
Aussi sur notre rivière
Faut les entendre jaser.
Ce ne sont qu'éclats de rire,
Gais cancans, joyeux ébats,
Mots piquants qu'on aime à dire
A sa voisine tout bas.
Refrain
Aussi tout le jour, du matin au soir,
Du haut jusqu'en bas de notre lavoir
L'on bavarde, l'on bavarde
Et l'on éclabousse un brin ;
L'on bavarde, l'on bavarde,
Et l'on rit de son prochain. (bis)
Pan ! Pan ! Pan ! Pan ! Pan! Pan ! Pan !
Il faut bien laver un brin ;
Pan ! Pan ! Pan ! Pan ! Pan! Pan ! Pan !
Le linge de son prochain.
Séraphine, la dévote,
A changé son directeur…
Quelle est donc la grosse faute
Qu'elle garde dans son coeur ?
Elle aura, je le parie,
Sans aucun respect humain,
Regardé d'un oeil impie
Le Suisse ou le Sacristain.
Vous savez ! la grande Rose
Ne porte plus son corset…
Qui peut m'en dire la cause ?
Jadis elle se laçait,
Et faisais sa fine taille ;
Mais tant va la cruche à l'eau
Qu'à la fin mince futaille
Peut devenir gros tonneau.
Comme cette nappe est grasse !
Ses maîtres, n'en doutons pas.
Se ruinent sans grimace
Et font leurs quatre repas…
— Ce n'est pas comme Madame,
Qui vous répète toujours :
Afin de sauver son âme
Il faut jeûner tous les jours.
— Justine, mon épicière
Met du plâtre en son café.
— Moi, ma voleuse laitière
Me vend plus d'eau que de lait.
— Taisez-vous donc, dit une autre,
J'en sais encor plus long, mais
Sur certaine bonne apôtre
J'ai peur du juge de paix.
— Madame une telle est maigre,
— Monsieur un tel est bossu ;
— Mon maître à moi comme un nègre
Par ma maîtresse est reçu.
— Mamzelle, autrefois si vive,
Rêve toujours maintenant…
Sa mère la croit naïve,
Va-t-en voir s'ils viennent, Jean !
La Granvillaise et le Cocodès.
Que je voudrais, ô ma charmante,
Disait un gandin précieux,
A prix d'or rassasier mes yeux
De la beauté leste et pimpante !
Et la Granvillaise, à l'oeil noir,
Disait, en guettant son miroir :
Ma beauté, Monsieur, je la donne
Et je n'en veux priver personne ;
Ouvrez vos yeux, regardez-la,
Mais, pour y toucher ! Halte-là.
Ta voix, m'a-t-on dit, est si pure,
Et si doux sont tes chants d'amour,
Que pour t'écouter à la Cour,
On donnerait cher, je t'assure.
Et la Granvillaise riant
Lui répondait en fredonnant :
Mes chansons, pour rien je les donne :
A tous vents ma voix s'abandonne ;
M'écoute qui m'écoutera,
Je n'ai pas besoin d'or pour ça.
Mais si tu donnes tout de même
Que feras-tu donc de ton coeur ?
Si tu veux faire mon bonheur,
Viens! que je t'épouse, je t'aime !
La Granvillaise, sans souci
Disait à l'amoureux transi :
Mon coeur, je n'en ai plus la garde,
C'est mon ami qui me le garde ;
Mais le jour qui me le rendra,
Ensemble l'on nous mariera.
Cocodès : Dandy parisien fat et ridicule de la fin du dix-neuvième siècle, aux manières et à la toilette excentriques
Ça finit toujours par là.
AIR : Tu n'en as jamais rien su.
Je voudrais dire une chose
Très-intéressante, mais,
Je ne sais pourquoi, je n'ose
La chanter en ces couplets.
Ma timidité me grise
Et tout mon sang-froid s'en va ;
Alors je dis des bêtises,
Ça finit toujours par là.
L'amoureux dans son délire
Vous donne des noms d'oiseau,
Il vous chante sur sa lyre
Le même air toujours nouveau.
Il vous jure sa parole
Que toujours il aimera ;
Puis un beau soir il s'envole,
Ça finit toujours par là.
Un banquier fort honorable,
Comme sont tous les Crésus,
Pour un projet admirable,
Fait appel à vos écus.
Avec sa brillante affaire,
L'associé' s'enrichira…
Puis il file en Angleterre,
Ça finit toujours par là.
Une fillette naïve
Sourit aux propos flatteurs,
Et son oreille attentive
S'ouvre à tous les enjôleurs.
Mais dans son amour sincère
Elle y croit… et puis voilà
Que son blanc corset la serre…
Ça finit toujours par là.
suite : la visite du tsar