le naufrage du « Georges-et-Jeanne »

par André Le Gall - Association Le Penven

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Différents articles publiés dans la presse locale

Nouvelles de GRANVILLE et de la Côte - Musique Municipale

« Nous sommes heureux d'annoncer qu'aussitôt la catastrophe du « Georges-et-Jeanne » connue à Granville, la musique municipale a décidé de donner un concert sur le Cours Jonville, au profit des familles des marins qui ont péri dans ce naufrage ; ce concert qui devait avoir lieu cette semaine, est, nous dit-on, renvoyé au jeudi onze courant à huit heures et demie du soir. Des quêtes seront faites par des dames de la Ville qui ont bien voulu offrir leur concours gracieux à Messieurs les musiciens. »

Nous félicitons sincèrement la musique municipale de cette initiative charitable et souhaitons à son concert tout le succès possible.

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COMITÉ de secours aux familles des Victimes du navire « Georges-et-Jeanne » :

Un Comité a été formé sous la présidence de M. Riotteau, maire, pour recueillir le produit de la souscription ouverte en faveur des familles des victimes du navire « Georges-et-Jeanne » de Granville,abordé et coulé sur les Bancs de Terre-Neuve, le 25 Mai dernier.
Sont membres de ce Comité : MM. Riotteau, maire, président ; Toupet, président du Tribunal de Commerce ; Fossé, v.-président de la Chambre de Commerce ; de la Noë, commandant de la Station ; Millet, commissaire de la Marine ; Benoit, docteur-médecin, conseiller municipal ; Lemoine, adjoint ; Leprince, conseiller municipal ; Petit, inspecteur des Douanes ; Georges Beust, armateur ; Lemaniché, courtier maritime ; Ch. Guillebot, courtier maritime et MM. les Curés des deux paroisses de Granville.

Le Comité s'est réuni à la Mairie le 11 juin, sous la présidence de M. Lemoine adjoint. Il a nommé M. H. Toupet comme trésorier, chargé de centraliser le produit des souscriptions et M. Georges Beust, comme secrétaire. Ensuite il a pris les décisions suivantes : Des listes de souscriptions seront dès à présent ouvertes à la Mairie, au Casino et dans les bureaux de MM. Lemaniché et Caillebot, courtiers-maritimes. Une liste de souscription sera présentée à domicile par le concierge de la Mairie.

Un membre a fait part au Comité des souscriptions déjà reçues, savoir :
La Maison Beust et Fils 1 000 fr,
Monseigneur Germain 200 fr,
M. le Curé doyen de Granville 50 fr,
MM. les Vicaires de la Paroisse Notre-Dame, vingt francs chacun 40 fr,
MM. Biraben et Fils de Bordeaux 100 fr,
M. Thomas, officier d'administration militaire à Granville 15 fr,
M. le Président annonce que M. le Ministre de l'Intérieur accorde un secours de 500 fr.

Il y a donc lieu d'espérer que l'effort qui va être tenté pour tant de malheureux produira d'abondants résultats. On peut espérer aussi que nos ports voisins donneront leur offrande et qu'en particulier St Malo et St Servan n'oublieront pas comment fut entendu l'appel qu'ils firent à Granville à l'occasion du naufrage du « Rocabey ».

Le secrétaire du Comité
BEUST

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Concert au bénéfice des Victimes du « Georges-et-Jeanne ».

Jeudi soir à huit heures 1/2 a eu lieu sur le Cours Jonville le concert donné par la musique municipale au profit des victimes du « Georges-et-Jeanne ». Grâce au dévouement des quêteuses, Mesdames Jules Pannier et Amédée Lefèvre, le produit a dépassé toutes les espérances. Ces Dames ont recueilli 485 fr 57. Une fois de plus nous sommes heureux de constater la générosité de nos concitoyens. L'entrain était magnifique. Riches et pauvres, bourgeois et ouvriers rivalisaient de bon vouloir pour rendre cette petite fête productive.

Nous n'avons qu'une critique à faire. Pourquoi si peu de quêteuses ! Elles se sont multipliées, il est vrai. Mais il nous semble que si les organisateurs en avaient invité un plus grand nombre elles eussent certainement été accueillis et la recette s'en serait ressentie. En présence de pareils malheurs, il ne faut pas hésiter à demander, à demander souvent et par tous les moyens. En terminant nous voulons encore adresses nos sincères félicitations aux quêteuses qui se sont acquittées de leur fatigante mission avec un zèle et une bonne grâce au-dessus de tous éloges, à notre Musique municipale qui a eu l'heureuse idée de prendre l'initiative dans cette circonstance et qui tout en nous faisant participer à une bonne œuvre a su nous faire passer une agréable soirée.

L'élan est donné, l'armement, la musique municipale ont indiqué la voie, l'œuvre de charité est commencée, il faut que le mouvement se généralise. Nous apprenons qu'un comité est en formation. Qu'il s'inspire de l'exemple de nos voisins de St Malo, qui ont si bien su lors du sinistre du « Rocabé » faire appel à toutes les générosités. La saison des bains offre au comité, une excellente occasion d'organiser loteries et fêtes qui lui permettront de soulager les intéressantes victimes de la catastrophe du « Georges-et-Jeanne ». Ces infortunés laissent après eux des veuves et des enfants dont ils étaient l'unique soutien. On ne peut hélas ! leur rendre ceux qu'ils ont perdu, mais soulager largement leur misère est le meilleur moyen de leur montrer combien, est grande la part que nous prenons à leur deuil.

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Mme Gombert a offert pour les familles des naufragés du « Georges-et-Jeanne » le produit de ses chaises et bancs, placés sur le cours Jonville, dimanche dernier, au moment du concert donné par la musique du 2e de ligne. Pendant le concert, Mme Gombert, accompagnée de son mari, a fait une quête dont le produit, ajouté à celui des places, a fourni une somme de 75 fr 20.

Concert du 11 juin : Nous avons annoncé que les quêtes faites pendant le Concert donné par la Musique municipale avaient produit 485 fr 57. De cette somme, il faut déduire pour frais : 75 fr 55 pour éclairage du kiosque, 22 fr 70 pour programmes, affiches, affichage, etc. Total : 98 fr 25. Le produit net est donc de 387 fr 32. Cette somme a été versée par M. Lurienne, à M. H. Toupet, trésorier du Comité de secours aux victimes du « Georges-et-Jeanne ».

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Bonne initiative :

Plusieurs voyageurs de commerce, de passage à Granville, ont eu l'heureuse idée de se cotiser en faveur des familles des victimes du « Georges-et-Jeanne » ; ils ont recueilli une somme de 20 fr. que l'un d'eux, M. Maurice Lenoir, est venu nous remettre afin d'en faire le dépôt à qui de droit. M. Maurice Lenoir est un enfant de Granville, comme tel, il a voulu prendre part au malheur de ses concitoyens ainsi que ses camarades. Nous les en remercions ici bien vivement.

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Société Philharmonique de Villedieu

La Société philharmonique de Villedieu a fait parvenir à M. Riotteau, député, maire de Granville, une somme de 250 fr., montant d'une quête faite pendant le concert que cette Société a donné dimanche dernier au profit des familles des victimes des naufragés du « Georges-et-Jeanne. »

On nous écrit de Villedieu :
« La nouvelle du malheur qui vient de frapper si cruellement de nombreuses familles de Granville, a causé à Villedieu une douloureuse émotion.
La Société philharmonique de Villedieu ayant, par l'intermédiaire de son Président, fait parvenir à notre honorable député, M. Riotteau, une somme de 250 fr., produit d'une quête faite dimanche dernier pendant un concert public donné au profit des familles des naufragés du navire « Georges-et-Jeanne », a reçu communication de la réponse suivante, adressée par M. le Maire de Granville à son Collègue de Villedieu :

Paris, 18 juin 1885.
Mon cher collègue,

Je reçois ici, à Paris, la somme de deux cent cinquante francs, recueillie par votre Société philharmonique de Villedieu, en faveur des naufragés du « Georges-et-Jeanne ».
Je m'empresse de donner les ordres nécessaires pour faire verser cette somme au Comité de souscription.
En ma qualité de Président de ce Comité, je suis son interprète pour vous prier de remercier MM. les membres de votre Société philharmonique de la nouvelle preuve de solidarité fraternelle qu'ils viennent de donner à la ville de Granville, si éprouvée par le malheur de ses marins, en cette occasion.
Nous n'attendions pas moins de la sympathie que nous a toujours témoigné la population de Villedieu, à laquelle tant de liens nous unissent depuis si longtemps et que le malheur ne fait que resserrer davantage.
Veuillez agréer, mon cher Collègue, l'assurance de mes sentiments affectueux et dévoués.

E. RIOTTEAU

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Le Comité de la Souscription en faveur des familles des naufragés du « Georges-et-Jeanne » s'est réuni à la Mairie le lundi 27 juillet, sous la présidence de Monsieur le Maire.

Il a été décidé que la souscription serait close le 18 août et répartie après cette date.
Le Comité remercie les personnes qui ont souscrit et fait un dernier appel à la générosité publique.

Le secrétaire, G. BEUST

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Ville de Granville.

Samedi 15 Août 1885, au Casino des Bains de Mer, Grande Kermesse. Au profit des victimes de la Catastrophe du « Georges-et-Jeanne » et de la caisse des naufragés.

Pour les détails de la fête voir les affiches.

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Nouvelles de Granville et de la Côte - La Kermesse au Casino

La Kermesse, organisée au profit de la Caisse des naufragés et des familles des victimes du « Georges-et-Jeanne », a eu lieu samedi dernier au Casino et a obtenu un plein succès.

Favorisée par un temps splendide et égayée par la musique du 2e de ligne, la fête avait attiré beaucoup de monde. Le Casino était gaiement pavoisé et les boutiques décorées avec goût offraient un ravissant coup d'oeil. Toutes ont fait de magnifiques recettes, grâce au zèle infatigable des jolies vendeuses et à leurs sollicitations irrésistibles, grâce encore à l'entrain des commissaires. Aussi la charité du public s'est-elle largement manifestée. Chacun voulait contribuer à cette bonne oeuvre.

Le Comité d'organisation s'est réuni jeudi pour arrêter les comptes et fixer le résultat de la Kermesse qui s'est élevé à la somme nette de 2 564 fr 45. Ce résultat a dépassé les plus belles espérances. Le Comité a terminé son oeuvre de charité et remercie particulièrement toutes les personnes qui ont bien voulu concourir à la réussite de cette Kermesse.

Quelques personnes ont manifesté le regret que les boutiques et jeux aient été clos trop vite ; leur continuation jusqu'à neuf ou dix heures eut permis de réaliser encore des sommes importantes.

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Avis

La souscription pour les familles des naufragés du « Georges-et-Jeanne » a été close samedi dernier 15 août, au soir. Le comité qui s'est occupé de cette souscription se réunira mardi à l'Hôtel de Ville, pour procéder à la répartition des secours en faveur des parents des victimes.

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Souscription en faveur des familles des victimes du « Georges-et-Jeanne »

Le comité, institué pour recueillir des secours en faveur des familles des naufragés du « Georges-et-Jeanne », s'est réuni mardi dernier à l'Hôtel de Ville. Dans cette réunion il a clos ses opérations en procédant à la répartition entre les familles des victimes, de la somme de 7 630 francs, montant des souscriptions.

Articles parus entre juin et fin août 1885, dans les hebdomadaires locaux.

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POLÉMIQUES & TOLÉRANCE

En ces temps-là, il existait deux hebdomadaires à Granville. La presse était plus libre qu'aujourd'hui, mais la polémique était des mots, et non des actes. Le Granvillais était républicain (on pourrait le situer aujourd'hui à gauche), et Le Journal de Granville était plus orienté démocratie chrétienne (l'orientation actuelle serait la droite).

L'article ci-dessous a été publié par l'hebdomadaire « Le GRANVILLAIS » :

Nous avions annoncé, dans notre dernier N°, qu'à l'occasion du naufrage du « Georges-et-Jeanne » un service serait célébré à l'église Notre-Dame et que M. Germain (Abel) officierait. C'était une belle occasion pour un Evêque et pour notre clergé de solliciter, par une quête, la bienfaisance des assistants qui s'étaient rendus en très grand nombre à la cérémonie et qui s'attendaient à cela.

A quoi attribuer cette hésitation à compléter une bonne oeuvre qui eût été très productive ? Des personnes bien intentionnées ont été très surprises de ce manque d'à propos !

Cela nous amène à penser que MM. du clergé aiment beaucoup à quêter pour leur propre compte, mais lorsqu'il s'agit de bienfaisance par un canal qui leur est étranger, ils s'abstiennent ! Cela est fâcheux pour eux et pour les malheureux, et nous le regrettons doublement.

Cet article est paru dans « Le Journal de GRANVILLE » en Juin 1885, en réponse :

Bienfaisance laïque

On nous rapporte que certains de nos radicaux opportunistes auraient exprimé le regret qu'une quête n'ait point eu lieu à l'occasion du service funèbre célébré à Notre-Dame par Monseigneur, et iraient jusqu'à dire, à ce propos, que les cléricaux n'aiment à quêter qu'à leur profit, et s'abstiennent quand d'autres recourent à la bienfaisance publique.

Sans connaître les motifs auxquels a obéi M. le curé-doyen, en ne faisant pas quêter, il est certain qu'un sentiment de délicatesse a dû le guider, et vraisemblablement c'est cette pensée que de nombreuses familles en larmes devant assister à la funèbre cérémonie, il serait pénible pour elles qu'on sollicitât la bienfaisance en leur présence et à leur profit.

Ces républicains impudents s'imaginent-ils donc que l'on n'a pas lu la liste de souscription, publiée par le Journal de Granville, retenu les noms et le chiffre de chaque offrande.

Qui a-t-on trouvé parmi les premiers souscripteurs ?
Mgr Germain pour 200 fr., M. le curé-doyen pour 50 fr. et ses deux vicaires pour 40 fr.
Puis, M. le curé de St-Paul donnant 40 fr. et ses vicaires 30 fr.
Et l'on oserait dire que le clergé s'abstient !

Ceux qui s'abstiennent, ce sont les conseillers municipaux républicains ! Ils devraient être en tête de liste et l'on peut la parcourir toute entière, sans en rencontrer plus de deux qui ont souscrit pour 5 fr. chacun. Un autre souscripteur de 20 fr. a dissimulé sous l'anonyme, paraît-il, un conseiller connu par son bon cœur et sa charité. Il a eu d'autant plus tort de ne pas inscrire son nom et sa qualité que son exemple était plus utile.

Et voilà comment se sont montrés nos représentants locaux, dans une circonstance si douloureuse pour notre ville ! et ce sont les amis de tant de gens si peu généreux qui se permettent de parler de générosité et de bienfaisance. Allons donc !

Un souvenir et une crainte nous viennent. Est-ce que le conseil municipal ne caresserait pas l'idée de voter un secours à même les fonds de la ville ? Il l'a fait une fois déjà, à l'occasion de la perte de deux petits bateaux, et grâce à ce moyen facile et peu coûteux, MM. les conseillers se dispensèrent presque tous de prendre part à la souscription ouverte dans les bureaux des courtiers maritimes.

Le résultat, en pareil cas, on l'aperçoit : ceux qui souscrivent paient deux fois. Ah ! Mais, que le conseil y prenne garde ! outre qu'il n'a pas le droit d'agir ainsi, il faut bien qu'il se convainque que les contribuables ne souffriraient peut-être pas longtemps qu'on pût dire de ceux qu'ils ont choisis pour leurs mandataires : « Pour eux, la générosité c'est… l'argent des autres ! »

Un Granvillais



suite : les généreux donateurs

 

« Je suis à la recherche des descendants d'Alphonse FIAUT et Albert HUBERT qui ont été rapatriés de New-York au Havre. Je ne sais à quelle époque ils sont arrivés au Havre. Ensuite ils ont dû aller témoigner devant la justice anglaise, car le steamer anglais était en faute, et ce sont les tribunaux anglais qui ont jugé l'affaire.
Je voudrais savoir s'il y a des tombes où des descriptions de ce naufrage à Terre-Neuve. Paraît-il qu'il y aurait une tombe au nom d'un Le Penven ».

André Le Gall